Un rapide aperçu sur plus de trois siècles d'histoires
le lundi 09 octobre 2006
par Rodolphe de Saint Germain Contributions de l'auteur
dans L'Ecole Sainte Geneviève > Histoire
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En montant la longue rue du Cardinal Lemoine, dans cette portion qui, jadis, portait le nom de « rue des Fossés Saint-Victor », faisant face à la rue Clovis, se dresse une imposante bâtisse, à la fois austère par la succession quasi monotone de ses travées, et singulière par la superposition au centre de ses deux portiques d’entrée : l’ancien collège des Ecossais, devenu au siècle dernier l’« école Sainte-Geneviève » depuis que les sœurs dominicaines de Saint-Vincent-de-Paul, qui dirigeaient l’ancienne institution Grousset, consacrèrent le lieu de leur retraite et de leur activité enseignante à la sainte patronne de Paris.

Tout le monde ou presque dans le quartier latin connaît l’école Sainte-Geneviève car, depuis de longues décennies, elle ouvre les enfants à la Connaissance, leur inculque les fondements d’une solide foi chrétienne et leur donne les moyens de s’épanouir chacun à son rythme, conformément à ses propres capacités.
Qui parmi ces écoliers n’a pas conservé le souvenir ému de ces instants où, pénétrant dans la cour, il lui était agréable de rejoindre ses camarades et sa maîtresse, sans que jamais l’ambiance studieuse de l’école ne soit pour lui l’objet d’une quelconque appréhension ? Qui, parmi eux, n’a pas un jour éprouvé l’irrésistible besoin de revenir sur les lieux de son enfance et sur ceux de son éveil ; de pousser la lourde porte d’entrée, et espérer reconnaître des figures chères à son cœur ?

L’école Sainte-Geneviève peut se vanter de posséder une histoire plusieurs fois centenaire, intimement liée à celle de l’Ecosse, en raison de l’origine de sa première fondation. Elle est ainsi témoin de la « Vieille alliance », alliance de non-agression et de secours mutuel établie depuis la guerre de Cent ans entre les monarchies d’Ecosse et de France, entre les Stuarts, rois d’Ecosse, futurs monarques d’Angleterre, et les Bourbons, rois de France.
Les manifestations de cette entente sont, notamment, l’envoi en France dès le XIVème siècle d’écoliers écossais, la création, financée par l’Ecosse, d’un séminaire pour Ecossais rue des Amandiers - devenue rue Laplace - en 1603.
En 1662, Robert Barclay, administrateur de ce collège pour séminaristes, désire agrandir son établissement. Il achète une maison rue des Fossés-Saint-Victor qu’il démolit pour faire construire sur son emplacement un vaste bâtiment, celui que la postérité retiendra sous le nom de « collège des Ecossais ».
Les élèves scolarisés sont une fois encore des séminaristes catholiques. Lorsque vacillera la monarchie britannique en 1688, lorsque le parti protestant des Whigs renversera le très catholique Jacques II Stuart, le collège des Ecossais deviendra pour les Catholiques d’Angleterre un refuge, et pour le roi déchu, exilé à Versailles, un lieu de spiritualité et de ressourcement.
A la mort de ce dernier en 1701, son cerveau est déposé dans une urne en bronze doré, elle-même conservée dans le grand mausolée de la chapelle de l’école Sainte-Geneviève.

En 1685, les abords du collège des Ecossais sont l’objet d’une politique de réaménagement prise sous l’initiative du prévôt des marchands Henry de Fourcy, ayant pour objectif d’atténuer la pente abrupte de la montagne Sainte-Geneviève. A l’issue des travaux, le plain-pied du collège se trouve devenir le premier étage, tandis que le niveau inférieur nouvellement créé est percé d’une ouverture plein cintre à extrados brisé. Ainsi s’explique l’étonnante et non moins plaisante disposition des portes de la façade du 65 rue du Cardinal Lemoine...

Sous la Révolution française, le collège des Ecossais est fermé. Le Comité de Salut public l’affecte à l’emprisonnement des ennemis de la Convention, et de révolutionnaires - ce qui n’est pas incompatible lorsqu’on sait que tout acteur de la Révolution, surtout le plus fier, finit par être éliminé par ses « amis », en fait des rivaux inavoués, dans ce jeu de luttes de pouvoir et d’influence qu’il est possible d’observer sous la Terreur - dont Saint-Just, incarcéré après le 9 thermidor.
Ne pouvant être vendu comme bien national pour la simple raison qu’il n’appartient pas à la France mais au Royaume-Uni , le collège des Ecossais est loué jusqu’en 1815, date à laquelle il est vendu par les Anglais à l’Université française.
Plusieurs institutions de l’enseignement primaire s’y succèdent ; elles prennent le nom de leur directeur, « Delavigne », « Blanchet », « Barathier », « Chevalier » de 1861 à 1875 - voir à ce propos la photo conservée par la Médiathèque du Patrimoine -, et enfin « Grousset ».

Au terme de l’intermède de quatre ans imposé par les évènements de la Grande Guerre, durant lequel l’institution Grousset est réquisitionnée pour accueillir les bureaux de la Trésorerie militaire, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul prennent possession des locaux de l’ancien collège des Ecossais, comme elles se montrent soucieuses de perpétuer la vocation initiale de l’établissement, celle d’enseigner aux enfants dont elles ont la responsabilité le goût de la lecture, de l’écriture, de la culture. Elles y ont pleinement réussi, aidées depuis par des enseignantes issues de la vie civile, à en juger par la réputation dont jouit aujourd’hui encore l’école Sainte-Geneviève.


Sources, bibliographie :
  • A.N. J/677, n°1, traité d’alliance du 23 octobre 1295 établi entre le roi de France Philippe Le Bel et le roi d’Ecosse John Balliol.
  • A.N. Souvenirs du Collège des Écossais, exposition organisée par les Archives de France sur l’initiative de l’association franco-écossaise à l’occasion du troisième centenaire de sa réorganisation, 1662-1962, avant-propos par G. Rémond, introduction par A. Mirot, catalogue par Ch. Daniel sous la direction de B. Mahieu, Paris, Collège des Écossais, 1962, in-8°, 56 p., 129 numéros. (Microfilm 194 Mi).
  • Site internet de l’association franco-écossaise : www.franco-ecossaise.asso.fr
  • AMIEL, Claudine, Flânons ensemble dans le Vème arrondissement, Paris, 1977.
  • J. L., Le collège des Ecossais à Paris (1662-1962), Association franco-écossaise, 1963.\